Présidentielle 2017 : interpellation des candidats

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Par le collectif Abolition 2012 (62 associations)
La législation française en matière de lutte contre le système prostitutionnel reconnaît la prostitution pour ce qu’elle est : une forme de violence contre les femmes, une atteinte à l’intégrité et la dignité humaine et un obstacle majeur à l’égalité femmes-hommes. Il faut maintenant aller plus loin. Voici nos revendications à la veille de la présidentielle

logo_abolition2-3.pngL’arsenal juridique en matière de lutte contre le proxénétisme et la traite des êtres humains est strict, la protection et l’accompagnement des personnes prostituées sont devenus une obligation légale et l’achat d’actes sexuels a été interdit. Le code de l’éducation en matière d’éducation à la sexualité et deprévention des pratiques prostitutionnelles est relativement ambitieux.
Tout cet arsenal législatif est précieux.
Il permet de limiter le phénomène prostitutionnel. Nous comptons environ 37.000 victimes de la prostitution et de la traite des êtres humains en France. L’Allemagne qui a dépénalisé le proxénétisme et rouvert ses bordels en 2002 en compte 400 000.

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Mais 37.000 victimes des violences insoutenables que constitue, en soi, la prostitution et qu’elle génère, c’est considérable.
Le taux de suicide des personnes prostituées est au moins 12 fois plus élevé que dans la population générale. En 2014, huit personnes prostituées ont été assassinées. Il faut y ajouter plusieurs milliers de mineur.e.s en situation de prostitution dont la prise en charge est proche du néant dans notre pays, ce phénomène restant largement nié par les autorités. Enfin, malgré un bon arsenal juridique, la lutte effective contre le proxénétisme reste limitée, et particulièrement sur Internet.
Face à ce constat, vous qui vous présentez à la Présidence de notre pays, nous vous demandons de nous confirmer votre détermination à améliorer significativement cette situation. Pour les victimes actuelles de la prostitution, pour prévenir les pratiques prostitutionnelles, pour promouvoir dans notre pays une sexualité choisie, non marchande, et l’égalité entre les femmes et les hommes.

Qu’allez-vous faire ?

Nous souhaitons plus particulièrement savoir ce que vous allez mettre en place, une fois élu.e, sur les enjeux prioritaires suivants :

  • Mettre fin aux arrêtés anti-prostitution ciblant les victimes
    Alors que la France considère la prostitution comme une violence et que la loi du 13 avril 2016, conformément à son ambition abolitionniste, a dépénalisé les personnes prostituées, certaines communes sur le territoire national s’affranchissent de ces principes et de la loi en adoptant des arrêtés anti-prostitution réprimant les personnes prostituées elles-mêmes. C’est inacceptable et inefficace !
    Les personnes prostituées ne font pas le choix de vendre des actes sexuels. Elles y sont contraintes soit économiquement, soit pour l’immense majorité d’entre elles par des réseaux proxénètes qui les exploitent sexuellement. Tenter de les décourager à coups d’arrêté municipaux ne résoudra rien.
    Si la prostitution porte atteinte à l’ordre public, ce sont les clients de la prostitution qui en sont responsables. C’est leur demande locale, leur sollicitation illégale, qui crée la prostitution et peut porter atteinte à l’ordre public. Il faut appliquer strictement la loi du 13 avril 2016 interdisant l’achat d’actes sexuels et décourager la demande : les clients de la prostitution.
  • Lutter effectivement contre le proxénétisme sur Internet
    La loi définit clairement et strictement ce qui relève du proxénétisme, et notamment : « tirer profit de la prostitution d’autrui, en partager les produits ou recevoir des subsides d’une personne se livrant habituellement à la prostitution ; faire office d’intermédiaire entre deux personnes dont l’une se livre à la prostitution et l’autre exploite ou rémunère la prostitution d’autrui ».
    Pourtant, des acteurs majeurs de la mise en contact des personnes prostituées et des clients de la prostitution continuent de profiter financièrement de la prostitution, grassement, sans jamais être inquiétés. Sur Internet, là où la diffusion d’annonces se développent de façon exponentielle, ce qui relèverait du proxénétisme dans tout autre contexte, semble communément admis. Mais cette tolérance prive d’effet utile toute nouvelle mesure visant à décourager la demande et à créer des alternatives pour les personnes prostituées. Chaque semaine, dans la presse nationale et locale, nous apprenons que des sites internet, généralistes ou spécialisés, ont non seulement facilité la prostitution d’autrui mais en ont aussi tiré des profits considérables.
  • Développer enfin une politique de lutte contre la prostitution des mineur.e.s
    La loi de 2003 interdisant l’achat d’actes sexuels aux mineur.e.s n’est pas appliquée. Le phénomène, réel et divers, est nié par les autorités. Pourtant, des réseaux sont régulièrement démantelés. Il en va de la responsabilité du procureur d’inculper les clients de la prostitution qui ont agi dans le cadre de ces affaires avérées.
    Cette situation est d’autant plus inacceptable que la majorité de ces victimes mineures sont issues des groupes les plus vulnérables : adolescent.e.s en fugue, mineur.e.s sans abri, réfugié.e.s mineur.e.s, victimes de l’inceste placées dans des foyers d’accueil.
    Il est fréquent aujourd’hui que les foyers de protection de l’enfance soient davantage des zones de recrutement actives des réseaux de proxénétisme que des lieux de protection.

Une fois élu.e, comment agirez-vous pour garantir que les arrêtés municipaux anti-prostitution soient annulés ou appliqués uniquement en direction des clients de la prostitution et non des victimes ?
Une fois élu.e, quels moyens et quelle mot d’ordre ferez-vous passer pour que la lutte contre le proxénétisme soit réelle et efficace sur Internet ?
protection des victimes. La question de la prostitution n’est presque jamais un point d’entrée de l’accompagnement et de la protection des enfants.
Les éducateurs/trices, la police, les juges, bref, toute la chaîne allant de la prévention, à la protection et la prise en charge reste à mobiliser et à former sur le sujet.

  • Mettre en œuvre l’éducation à la sexualité et à l’égalité filles-garçons
    L’éducation à la sexualité n’est pas mise en place dans notre pays à la hauteur de ce qu’exige le Code de l’éducation. La loi du 13 avril 2016 est venue renforcer son contenu en ajoutant qu’une information sur les réalités de la prostitution et les dangers de la marchandisation du corps devait être donnée dans les établissements scolaires. La loi exige aussi d’articuler l’éducation à la sexualité avec l’éducation à l’égalité filles-garçons. Aujourd’hui, à notre connaissance, cela n’a pas été mis en place. C’est pourtant fondamental pour prévenir les pratiques prostitutionnelles et plus globalement construire une relation égalitaire entre les filles et les garçons.
    L’article 121-9 du Code de l’action sociale et des familles prévoit la création dans chaque département d’une instance départementale chargée d’organiser et de coordonner l’action en faveur des victimes de la prostitution, du proxénétisme et de la traite des êtres humains ainsi que la mise en place d’un parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle incluant :

• L’ouverture de places d’hébergement pour les victimes de la prostitution, du proxénétisme et de la traite des êtres humains dans les centres d’hébergement et de réinsertion sociale. 


• L’accès à la remise gracieuse des dettes fiscales. 


• L’accès à un titre de séjour de protection pour les victimes étrangères. 


• L’octroi d’une aide financière à l’insertion sociale et professionnelle pour les 
personnes prostituées ne bénéficiant ni des minimas sociaux ni de l’aide accordée aux personnes demandeuses d’asile. 
Ces dispositions fondamentales doivent être mises en place au plus vite sur l’ensemble du territoire. 


Une fois élu.e, quels outils et moyens donnerez-vous à cet enjeu qui concerne 4.000 à 7.000 enfants dans notre pays, et leurs familles ?
Comment mettrez-vous en œuvre cette disposition de la loi et de quels moyens et outils doterez-vous l’éducation à la sexualité dans notre pays ?

  • Rendre effectif le travail indispensable des commissions départementales de
    lutte contre la prostitution, le proxénétisme et la traite des êtres humains
    Une fois élu.e, comment mobiliserez-vous les services de l’Etat afin de garantir que la loi française, la plus progressive en Europe en la matière, soit effectivement mise en œuvre ?
  • Garantir une mobilisation interministérielle
    Les politiques publiques en matière de prostitution et de traite des êtres humains touchent à de nombreux secteurs (pénal, social, fiscal, éducation, prévention, formation, droits des étrangers, diplomatie etc…). Seule la mobilisation de l’ensemble des ministères concernés peut permettre de venir efficacement en aide aux personnes prostituées, de prévenir le phénomène prostitutionnel, de lutter contre le proxénétisme et la traite des êtres humains, de décourager la demande qui crée un marché prostitutionnel, et de promouvoir la position abolitionniste de la France à l’international.
    Retrouvez nos revendications et nos soutiens www.abolition2012.fr

Pouvez-vous vous engager à mettre en place un mécanisme permettant de garantir la mise en œuvre effective et la coordination de l’ensemble de ces politiques publiques ?

Collectif Abolition 2012